L’expérience d’Henrique, volontaire à Cepromar en 2014

Henrique Waxin est arrivé le 20 août à Sao Luis pour une mission de 3 mois en tant que volontaire à Cepromar. Sa mission s’inscrit dans le cadre de « Opération Amos ».

Voici le bilan que tirait le jeune volontaire début novembre 2014 :

« Déjà deux mois à CEPROMAR au Brésil… c’est fou ce que le temps passe vite ! Je me suis bien acclimaté aux couleurs de la vie locale, à la mangrove de la rivière Bacanga qui s’étend jusqu’aux immeubles du centre-ville, aux charrettes tirées par des mules à contresens sur la nationale, à la chaleur humaine des Brésiliens – et souvent à leur insouciance. A l’origine, je suis venu pour aider à la communication et étudier différents projets, dont les valorisations possibles du site historique, le sítio Piranhenga. Mais finalement, mes missions se sont très vite diversifiées. Charmé par la beauté de la maison coloniale et tous les monuments historiques attenants, j’ai commencé à faire les visites guidées – d’abord à des couples, puis à des petits groupes de dix, et en ce début du mois de novembre, j’ai fait visiter le sítio Piranhenga à trois groupes de quatre-vingt-dix personnes. Et toutes ces visites sont un franc succès ! En plus du côté historique, je me suis passionné pour la nature qui l’entoure ; j’ai donc rajouté une partie de sensibilisation environnementale à ma visite culturelle – notamment grâce à une visite que j’ai faite avec une école d’ingénieurs environnementaux qui m’ont beaucoup appris sur les problèmes actuels.

Mais mon rôle de guide touristique n’est pas – de loin – mon occupation principale. J’aide à distribuer les goûters, cueillir mangues et cajous pour faire le jus offert aux enfants en alphabétisation, parfois je fais des cours d’alphabétisation, et surtout, je monte des projets. En effet, après une période d’observation et de documentation, j’ai recensé les idées et proposé un certain nombre de projets. Du plus petit au plus grand, les projets principaux sont :

• Jardin des petits. L’idée est de sensibiliser les enfants à la nature. Ici, tout ce qui a trait à l’agriculture, et tout ce qui est travail de la terre en général est mal vu. Personne ne veut se donner ce genre de travail, vu comme destiné aux pauvres ou à ceux de l’intérieur (même dans une favela on peut être snob, c’est fou !). Mais il n’est pas trop tard pour faire aimer la nature aux enfants du CEPROMAR, du coup je leur ai fait planter des haricots, des tomates et des pastèques. Ils sont toujours émerveillés de voir leur plantes pousser dans les gobelets ou dans le jardin que j’ai aménagé. Légende photo : Chaque enfant a planté un haricot. Ceux dont le haricot n’a pas poussé ont planté des pastèques et des fruits de la passion

• Aire de jeux pour les enfants. Le terrain a déjà été choisi (derrière l’administration), ratissé pour enlever les bouts de brique et de carrelage brisés qui l’encombraient, rempli de sable pour tout mettre à niveau et pour que les enfants se salissent moins. Car une chemise pleine de sable, il suffit de la secouer ; mais si c’est de la terre rouge, c’est tout de suite moins évident – croyez-moi, déjà trois de mes paires de chaussettes blanches ont connu une fin tragique rouge brique. Le sujet peut sembler dénué d’intérêt, mais il faut prendre en compte qu’ici, certains enfants n’ont pas ou peu de vêtements mis à part ceux que CEPROMAR leur offre. Un jour une petite fille n’est pas venue à une promenade simplement parce qu’elle n’avait pas d’autre vêtements que sa culotte. Le projet est presque terminé, il ne manque plus que quelques jouets supplémentaires et la tonnelle qui sera couverte de fruits de la passion (maracujá, une plante grimpante) et qui fera apportera de l’ombre aux enfants.

• Utilisation de sources d’énergies alternatives : photovoltaïque et éolien. Je suis arrivé ici au mois d’août, en même temps que les factures d’énergie. En voyant le prix (parfois plus de 1000 R$ par mois, soit 322 €), et en découvrant aux informations que cette année, le prix de l’énergie va augmenter de 24,12 % à São Luís, j’ai proposé ce projet. Après beaucoup de temps passé à chercher des partenaires pour le projet (il peut être assez dur de trouver de la main-d’œuvre fiable), je me suis focalisé sur le SENAI (Service National d’Apprentissage Industriel), avec qui nous travaillons depuis plusieurs dizaines d’années. Le SENAI délivre des cours professionnalisants, et c’est cet organe de l’État brésilien qui nous fournit gratuitement bon nombre de professeurs. Le SENAI s’est engagé à nous aider dans les choix des partenaires industriels de confiance et à assurer le suivi du projet et des installations pour s’assurer que tout est fait conformément au cahier des charges et dans le respect des normes en vigueur. La partie solaire est déjà bien avancée, l’entreprise partenaire déjà choisie, les propositions techniques et les devis sont déjà arrivés. Il ne manque plus que la partie éolienne, qui ne devrait pas tarder pour pouvoir commencer à faire les demandes de financement. La suite au prochain épisode…

• Protection du patrimoine de la rivière Bacanga par le biais du développement du tourisme durable. A l’origine, c’était un projet de fabrication d’un quai auprès de la maison coloniale pour permettre de diversifier les attractions touristique du sítio Piranhenga, en offrant la possibilité de faire un tour dans la mangrove de la rivière Bacanga pour faire découvrir la beauté de la nature environnante, observer la riche vie sauvage, et se sensibiliser à l’impact environnemental de l’homme. Le tout se ferait dans les barques de pêcheurs pour inclure la culture locale. Mais en parlant du projet autour de moi, notamment au Rotary (aux réunions duquel je n’ai pas manqué depuis mon arrivée), le projet a progressivement grandi. Il m’a été vivement conseillé de faire un projet plus global. Je suis donc actuellement en train de rédiger un projet de développement du tourisme culturel et écologique pour faire connaître le patrimoine du Bacanga (parc naturel dans lequel se situe CEPROMAR). L’idée générale est d’organiser des découvertes incluant les sites historiques (dont le sítio Piranhenga) et la nature alentour avec des randonnées dans la jungle (appelées « trilhas ») et des balades dans les barques des pêcheurs pour sensibiliser les touristes sur la nécessité de protéger le parc du Bacanga. Le but est de faire changer peu à peu les mentalités, et de réussir à obtenir plus d’appuis pour prendre des mesures nécessaires à la protection de l’environnement (interdire de jeter l’huile de moteur dans la rivière, relier tous les égouts à la station d’épuration, réguler l’ouverture du barrage, etc.).
L’autre pan du projet touche à l’intégration sociale. Actuellement, les pêcheurs sont un peu de côté, et en très mauvaise posture vu la pollution du Bacanga. La plupart doivent trouver un autre emploi pour faire vivre leur famille. L’idée serait d’utiliser leur droit à des emprunts à très bon taux pour le matériel de pêche (à leur demande, car ils ne veulent plus acheter de bateaux pour naviguer sur des eaux peu poissonneuses) pour leur faire construire des bateaux traditionnels de São Luís. En plus de revitaliser les associations de pêche et de donner une raison aux pêcheurs d’acquérir du bon matériel, les bateaux seraient un attrait touristique en plus. Au fur et à mesure que les décisions de protection de l’environnement seront adoptées, la qualité de l’eau devrait s’améliorer et permettre à la pêche de retrouver sa beauté de naguère – en parlant avec les anciens pêcheurs je me suis rendu compte du potentiel local, et de ce que c’est devenu. Il y a encore des lieux non pollués où le fond de la rivière est recouvert d’un tapis de coquillages, les poissons abondent et des crabes de toute sorte grouillent sur les berges. Que toute la rivière redevienne comme ça ne tient qu’à notre action. »

Début septembre, Henrique nous adressait ses premières impressions et quelques images qui nous faisaient partager des moments sympathiques vécus sur place :

« Arrivé à Cepromar Brésil depuis deux semaines maintenant, j’ai eu le temps de découvrir un peu l’environnement : des palmiers géants de babaçú, des manguiers vénérables partout, l’odeur suave des arbres à cajú, des fruits plus gros que des pastèques qui sentent le surcre à plusieurs mètres, des buissons d’acérola, des papayes qui poussent au gré du vent le long des routes, etc. Ici, la terre intensément rouge, le ciel intensément bleu, et tout ce qui est entre intensément vert.

J’ai également eu le temps d’appréhender un peu mieux la réalité des lieux et de m’adapter. Le plus surprenant, tout préparé que l’on soit, c’est le contraste entre le centre-ville riche et moderne et les favelas. Là-dedans, les enfants jouent dans des enfilades de maisonnettes de brique nue, entassées les unes sur les autres, formant des rues encombrées de déchets où les eaux des égouts parfois jaillissent du caniveau, le tout ponctué de temps en temps par un pied de papaye, un palmier ou un manguier sauvage.

Malgré tout, le sourire règne. Enfin, les sourires. Les gens sourient par optimisme, pour garder les apparences, ou encore juste pour l’amour du sourire. Les enfants sourient par insouciance, ou parfois pour reconquérir un instant cette insouciance qui leur à été volée. Les sourires ne s’effacent que lorsque l’on parle de l’insécurité : tous ont déjà été braqués, menacés par une arme à feu ou une arme blanche, tous ont un proche ou un voisin déplorant une victime de la violence omniprésente. Même Cepromar, malgré sa bonne réputation dans la favela du Coroadihno où elle est implanté, à subi des actes de violence : deux bus scolaires en visite à Cepromar ont été braqués en août 2014. Voir tous ces enfants paniqués à été de loin mon plus grand choc depuis mon arrivée.

Mais la vie n’en continue pas moins son cours. De nombreux enfants vont en alphabétisation, et la plupart des cours professionalisants viennent de finir, donc on se prépare à accueillir les suivants. Un policier qui durant ses heures perdues fait de l’éveil musical d’enfants avec des instruments improvisés (et impressionants) est passé hier encore pour proposer de diversifier ponctuellement le programme des petits. Les cajús seront bientôt mûrs et en quantité suffisante pour approvisionner tout Cepromar en jus fraîchement pressé. Bref, la vie continue son cours, le sourire aux lèvres et pleine d’espoirs pour le jour à venir !  »

Le Père Jean dans la communauté Shalom lors d’un anniversaire

Avec les jeunes de Cepromar dans un centre commercial de São Luis